La semaine dernière, nous vous parlions de ce que nous pouvions faire dans le jardin potager en hiver. Cette semaine, nous allons visiter un autre lieu de la ferme : le rucher. Que se passe t-il en hiver au rucher ? Les abeilles sont-elles parties ? Se sont-elles endormies pour hiberner ? Ont-elles migré vers des contrées plus chaudes ?

Rien de tout cela ! Le rucher est toujours actif en hiver, les abeilles restent dans leur maison mais continuent à s’activer à l’intérieur des murs.

Les dernières floraisons, celles du lierre, sont déjà bien loin. La colonie vit désormais sur ses réserves.

Diverses abeilles, abeilles d’hiver

Les abeilles ne sont pas les mêmes durant toutes les saisons, celles qui occupent la ruche en été ont une durée de vie de 45 à 60 jours et ont moins de masse graisseuse pour avoir de meilleurs capacités de vol et ainsi butiner aux alentours. Au cours de l’automne, la reine commence progressivement à donner vie à des abeilles d’hiver. Elles vivent bien plus longtemps, de 150 à 200 jours, et possèdent une masse graisseuse plus développée afin de résister à des températures plus fraîches.


Les faux-bourdons sont reconnaissables à leur corps trapu et leurs gros yeux qui donnent l’impression qu’ils portent un masque!

A la fin de l’été, les ouvrières ont tué les faux-bourdons (abeilles mâles) car ils ne butinent pas. Leur seul rôle étant de féconder de jeunes reines vierges, ils deviennent des bouches inutiles à nourrir. La reine pond de moins en moins et la population de la colonie diminue jusqu’à descendre en-dessous de 20 000 abeilles en janvier; alors qu’elle comptait près de 70 000 individus en mai et juin.

Hibernation ou hivernage?

Dès la fin de l’automne et jusqu’au retour du printemps, les abeilles hivernent, c’est-à-dire qu’elles ralentissent leurs activités sans les arrêter pour autant. Leur principale mission est de maintenir la chaleur de la ruche à une température suffisante pour survivre et surtout protéger leur reine. Elles forment alors une grappe autour de la reine : les abeilles au centre de cette grappe, les plus proches de la reine, sont chargées de produire de la chaleur, celles en périphérie doivent constituer une isolation par leur corps pour conserver la chaleur produite et en perdre le minimum.
Pour créer de la chaleur, celles du centre font vibrer leurs muscles alaires(muscles qui agitent les ailes) en les contractant. Celles en extérieur se serrent les unes aux autres pour former une isolation à l’aide de leurs petits poils, une sorte de couverture.

Hibernation, hibernage ou hivernage?


L’hivernage consiste à passer la période de l’hiver dans un abri.

L’hibernation, elle, est un état d’engourdissement, de léthargie complète que connaissent certains animaux durant l’hiver, il implique une mise au ralenti de leur métabolisme. 

Enfin, l’hibernage ne concerne pas que les animaux, il s’agit d’une phase partagée par la faune et la flore qui vivent, en quelque sorte, au ralenti pendant l’hiver.

Un passage de relai s’organise entre les petites ailées : celles de l’intérieur sortent de la grappe pour se nourrir ou se reposer à l’extérieur et celles en périphérie entrent pour prendre la place de celles qui chauffaient.

La température intérieure de la grappe peut s’élever jusqu’à 33°C, elle diminue progressivement au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre pour atteindre 21°C puis 14°C en périphérie.

Si la colonie ne parvient pas à maintenir une température suffisamment élevée, c’est la mort qui attend les abeilles. En-dessous de 10°C, leur corps s’engourdit et elles meurent de froid.

Menaces et besoins

Une colonie plus nombreuse produira une chaleur plus importante et aura, par conséquent, plus de chances de survivre au froid. Pour produire cette chaleur et poursuivre l’activité de la grappe, les abeilles ont besoin de se nourrir du miel stocké dans la ruche. On estime entre 18 et 21 kilos la quantité de miel nécessaire au besoin hivernal d’une colonie moyenne.

Les maladies et les parasites sont aussi des menaces pour la colonie hivernale. Lorsque le temps est bon et lumineux, les abeilles accomplissent des vols de propreté, elles défèquent à l’extérieur de la ruche. Ces vols permettent de réduire le risque de diffusion de maladie au sein de la ruche.

Préparer l’hiver

Avant la fin de l’automne, les abeilles effectuent un travail de préparation pour passer l’hiver. Les butineuses rapportent pollen et nectar en quantité pour faire des réserves de nourriture et produisent de la propolis, sorte de colle composée de cire et de résine, qui servira d’isolant en bouchant les interstices qui laissent passer de l’air. La propolis constitue également un excellent matériau pour momifier ou isoler des cadavres de petits insectes ou animaux (limaces, papillons, abeilles mortes..) trop difficiles à extraire de la ruche en raison du froid, de leur taille et du nombre d’abeilles disponibles. Les cellules laissées vides peuvent être occupées par des abeilles afin de bloquer la perte de chaleur. La cire possède une capacité d’isolation importante qui procure à la ruche une première résistance au froid.

Temps d’hiver, hivers d’antan

Avant l’apparition des ruches modernes au XIX et XXème siècles, les ruches étaient faites dans des matériaux tels que des troncs d’arbres creusés, des caisses en bois, de l’osier tressé, en éclisses de bois tressées ou encore de la paille tressée.

Pour renforcer la résistance au froid durant l’hiver, il est fait mention dans les manuscrits médiévaux de coiffe protectrice en paille, nommé “surtout”, qui était fixée sur un petit anneau en branche d’arbre au sommet des ruches en éclisses de bois tressées (ruches en forme de cloche qui ont l’aspect de panier). Un enduit était appliqué sur le tressage en guise d’isolant. La présence de ce type de ruche est abondante en France au cours du Moyen-Age.

Les ruches pouvaient être placées dans des murs creusés ou sur des petites tables en bois sous des toits soutenus par des piliers en bois permettant une protection en cas de neige.

Apiculture, que faire en hiver?

Durant l’hiver, la température étant trop faible pour ouvrir la ruche, l’idéal étant 15°C, le travail de l’apiculteur va être de contrôler la santé de la colonie depuis l’extérieur et d’aménager le rucher. Il peut tailler les arbres environnant pour réduire les zones d’ombres susceptibles de créer de l’humidité au rucher. Il peut effectuer des contrôles extérieurs périodiquement (1 à 2 fois par mois) en soupesant les ruches pour évaluer les réserves restantes et nourrir, si nécessaire, les abeilles avec du candi (une sorte de sucre pâteux ), versé dans le nourrisseur, partie de la ruche située sous le toit, en enlevant uniquement ce dernier pour éviter de faire entrer le froid. Il pourra aussi nettoyer les entrées de la ruche en enlevant les cadavres d’abeilles qui pourraient s’y trouver, les fossoyeuses étant moins efficaces durant l’hiver. Il faudra aussi veiller à ce que les ruches soient en bon état pour affronter le froid et l’humidité.

Dès qu’un jour plus doux se présente, l’apiculteur pourra compléter les soins apportés aux abeilles et notamment par un traitement contre le varroa qui est plus efficace en hiver. En effet, les abeilles doivent rester en bonne santé tout l’hiver. La moindre maladie serait fatale à la ruche, car elle entraînerait une mort prématurée des ouvrières. Leur durée de vie passerait alors de 130 jours contre 180, il manquerait plus d’un mois pour boucler le redémarrage printanier. En cas d’infection, on retrouvera alors généralement quelques abeilles, trop peu pour maintenir la grappe, autour de la reine les autres ayant eu le réflexe sanitaire d’aller mourir à l’extérieur.

Nourriture, soins et nombre d’individus sont les clefs d’un bon hiver pour les abeilles. Dès lors que c’est trois éléments sont rassemblés, la colonie hivernera sereinement en attendant le retour des beaux jours!

Sources :